
Les litiges opposant l'ARJEL à des opérateurs de jeux en ligne ne sont pas tout à fait monnaie courante. Alors quand le Conseil d'État est appelé à se prononcer sur la nature même de la notion de pari sportif telle que définie par le législateur, l'affaire ne passe pas inaperçue.
Pour comprendre, il faut remonter à la fin d'année 2013. L'ARJEL constate alors que des opérateurs proposent des paris du type "Le total du score à la fin du match sera-t-il pair ou impair ?" ou "Le nombre total de points à la mi-temps sera-t-il pair ou impair ?". Or la loi et le décret du 12 mai 2010 établissent qu'un pari sportif est "le pronostic d'un parieur sur un résultat d'une compétition traduisant des performances sportives objectives et quantifiables des acteurs de la compétition".
Les paris sur la nature paire ou impaire du score final correspondent-ils à cette définition ? Pas aux yeux de l'ARJEL qui, par une décision en date du 18 décembre, y apporte une réponse claire et définitive en interdisant cette offre de paris au motif que "le caractère pair ou impair du nombre total de points ou de buts marqués lors d'une rencontre ou d'une phase de jeu ne présente aucun enjeu sportif pour les compétiteurs" et que "la cote proposée ne reflète pas l'évaluation des probabilités de survenance du résultat de la compétition (score) mais des probabilités que le nombre total de points ou de buts de ce score soit ou non divisible par deux".
L'affaire pourrait en rester là, mais les responsables du PMU en décident autrement. Ils adressent dans un premier temps un recours gracieux à l'ARJEL puis, après en avoir constaté le rejet par une décision du 10 avril 2014, ils choisissent de porter l'affaire devant la justice administrative. Ils saisissent donc le Conseil d'État d'un recours pour excès de pouvoir.
Un an et demi plus tard, et plus exactement le 14 octobre dernier, la plus haute juridiction administrative a fait connaître le sort qu'elle entendait donner à ce recours. Dans son arrêt, elle rappelle d'abord que l'ARJEL est "compétente pour déterminer, d'une part, la liste des compétitions pouvant servir de support à l'organisation de paris sportifs et, d'autre part, la liste des résultats de ces compétitions susceptibles de faire l'objet de paris".
Mais surtout, elle valide en tout point l'analyse des services de l'ARJEL. N'hésitant pas à appuyer son propos en se replongeant dans les travaux parlementaires qui ont précédé la loi du 12 mai 2010, la juridiction considère que le législateur a entendu ouvrir le marché des jeux d'argent "pour les seuls jeux de hasard faisant intervenir le savoir-faire et les connaissances, notamment sportives, des parieurs ; et pour les seuls résultats traduisant des performances sportives objectives et quantifiables".
Autrement dit, l'ARJEL n'a pas commis d'erreur de droit en considérant que les paris "pair ou impair" ne correspondaient pas à "un enjeu sportif pour les compétiteurs", et par voie de conséquence en les écartant du champ des paris sportifs autorisés en France. Une petite défaite juridique dont se remettra sans doute sans mal PMU : selon les données publiées par l'ARJEL, les paris "pair ou impair" n'ont représenté que 0,1 % du montant global des mises enregistrées par l'opérateur entre juin 2010 et décembre 2013.