
L'été dernier, c'est le déluge publicitaire survenu à l'occasion de l'Euro qui a convaincu l'ANJ de la nécessité de siffler la fin de la récré. Le régulateur dispose en la matière de pouvoirs bien réels, comme par exemple la possibilité de demander le retrait d'une campagne publicitaire qui inciterait au jeu des mineurs ou comporterait une incitation excessive à la pratique du jeu. Il n'en a néanmoins jamais usé jusque-là, préférant la voie du dialogue à celle de la coercition.
C'est dans ce cadre que les équipes d'Isabelle Falque-Pierrotin ont réuni les opérateurs dès le 20 juillet 2021 avec l'ambition d'établir un plan d'action. À l'époque, le régulateur évoquait "des échanges constructifs" et une volonté commune de "procéder à un rééquilibrage des pratiques afin de préserver le modèle récréatif du marché français des jeux d'argent". Quelles mesures étaient susceptibles de se cacher derrière ces déclarations d'intention ? Après une longue phase de consultation publique, c'est ce que l'ANJ vient de révéler dans une note présentant une série de lignes directrices et de recommandations.
Les lignes directrices, d'abord, ont vocation à donner des éléments d'interprétation sur la base du décret du 4 novembre 2020 encadrant le contenu des communications commerciales. En résumé, puisque ce texte réglementaire n'entre pas suffisamment dans les détails pour éviter que les opérateurs n'en repoussent les limites, l'ANJ livre son interprétation sur sa philosophie. Un exemple parmi d'autres avec la règle interdisant des publicités qui suggèreraient que "jouer contribue à la réussite sociale" : selon l'ANJ, cela exclut de fait les représentations de la réussite financière, de la gloire, du pouvoir, du respect ou de l'admiration des tiers, mais aussi de signes extérieurs de richesse ou d'expériences hors du commun.
Un autre exemple intéressera tout particulièrement les joueurs de poker. Le décret établit en effet que les publicités ne doivent pas contenir "des déclarations infondées sur les chances qu'ont les joueurs de gagner ou les gains qu'ils peuvent espérer remporter". Cette fois, l'interprétation du régulateur aboutit à la prohibition des spots laissent entendre que "la compétence, l'expérience ou le savoir-faire du joueur lui permettraient d'éliminer ou de réduire fortement l'aléa dont dépend le gain et qui est inhérent au contrat de jeu ou de pari". Une stipulation qui correspond pourtant à la position adoptée par les fisc et les tribunaux administratifs pour imposer les joueurs de poker professionnels sur les fruits de leur activité.
Dans un autre registre, les recommandations de l'ANJ visent elles à promouvoir des bonnes pratiques auprès des opérateurs. Encore une fois, quelques exemples valent mieux qu'un long discours. Le régulateur recommande ainsi de "favoriser les pratiques responsables des influenceurs et des ambassadeurs", ce qui inclut de ne pas solliciter des influenceurs ayant "une forte popularité auprès des mineurs et plus précisément [...] une audience supérieure ou égale à 16 % dans la tranche d'âge des 13-17 ans, quel que soit le support médiatique concerné".
Autre exemple un peu plus concret : la limitation en télévision et radio à trois communications par écran publicitaire, tous opérateurs confondus. Autrement dit, lors de prochaine Coupe du Monde de football, vous ne devriez plus subir des séries de cinq ou six spots financés par des bookmakers lors d'une même page de pub. La publicité numérique ne sera d'ailleurs pas en reste sur ce point puisque l'exposition des joueurs devra être limitée à "trois communications commerciales par jour et par support" (par exemple sur un même site internet ou un même réseau social).
L'ANJ précise en conclusion que l'ensemble du dispositif devra être opérationnel au plus tard le 1er septembre 2022, soit en amont du Mondial au Qatar. D'ici là, "un comité de suivi rassemblant les parties prenantes sera mis en place pour évaluer la mise en œuvre des outils de régulation et proposer, le cas échéant, leur évolution".
434 millions d'euros de mises en ligne, 22 millions d'euros de mises par match de l'équipe de France... Pas de doute : l'Euro de football fut bien un énorme carton pour les opérateurs de paris sportifs. Ces derniers ont toutefois droit aujourd'hui à un retour de bâton : l'Autorité Nationale des Jeux (ANJ) déclare vouloir "réduire drastiquement et immédiatement la pression publicitaire en faveur des paris sportifs".
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