jeudi 8 avril 2021 à 9:30
Breaking News

Il est interdit d'interdire... de parier ! C'est en substance ce qui ressort d'une décision du Conseil d'État en date du 24 mars, laquelle tranche en faveur de l'Autorité Nationale des Jeux (ANJ) un débat qui l'opposait à l'Association Française du Jeu En Ligne (AFJEL). Oui, les dispositions du code de la consommation s'appliquent bien aux rapports entre les parieurs et les opérateurs de jeux en ligne. Non, les bookmakers ne peuvent pas arbitrairement limiter la liberté de parier de leurs clients.

Conseil d'État

C'est une décision déjà largement commentée par les avocats (ici ou ), mais pas pour son impact sur l'industrie des jeux en ligne et notamment des paris sportifs. Non, ce qui intéresse surtout les juristes, c'est l'extension du domaine du recours pour excès de pouvoir contre les actes de droit souple. Vous nous pardonnerez donc de laisser de côté la portée de la décision du Conseil d'État sur ce point, et de nous focaliser sur le fond du débat qui ces quatre dernières années a opposé l'ARJEL (régulateur du marché devenu depuis ANJ) à l'AFJEL (une association d'opérateurs agréés).

 

Tout commence donc en 2017. Alertée par un certain nombre de parieurs qui déplorent la limitation du montant de leurs mises par les opérateurs, l'ARJEL adopte une délibération qui rappelle que cette pratique est strictement encadrée par la loi. L'article de décryptage publié à cette occasion par le Bar des Sports est probablement celui qui a fait l'objet du plus grand nombre de partages sur les forums spécialisés. En voici les principaux enseignements :

  • En vertu de l'article L. 121-1 du code de la consommation, "Est interdit le fait de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime".
  • Aux yeux de l'ARJEL, cet article s'applique aux rapports entre un opérateur et un parieur à la condition que ce dernier ne soit pas un professionnel. Néanmoins les parieurs sont par défaut considérés comme de simples consommateurs, et c'est donc à l'opérateur qu'il incombe d'apporter la preuve du contraire. Une tâche plutôt ardue puisque "la circonstance qu'une personne dispose de connaissances mêmes approfondies" est insuffisante.
  • Face à un simple consommateur, l'opérateur ne peut refuser ou limiter une prise de pari que sur la base d'un motif légitime : un soupçon de fraude ou de blanchiment d'argent, l'exposition financière de l'opérateur ou encore la collecte d'indices sérieux laissant penser que le parieur souffre d'addiction.

 

Selon cette interprétation, un opérateur de paris sportifs ne serait pas en droit de refuser ou de limiter des paris à ses plus gros gagnants. Le simple fait "d'empêcher une personne de placer une mise d'un montant identique à celle placée par une autre personne sur un même pari" serait d'ailleurs constitutif d'un refus de vente partiel tombant sous le coup de la loi.

 

Partageant l'analyse de l'ARJEL, un certain nombre de parieurs aguerris décident de porter leurs litiges avec les opérateurs devant la justice. Mais lors de l'examen de ces litiges par les tribunaux, des opérateurs brandissent un argument surprenant : les dispositions du code de la consommation relatives aux pratiques commerciales interdites ne seraient pas applicables au secteur des jeux en ligne. L'interprétation du régulateur serait donc erronée, et un joueur ne saurait s'en prévaloir dans ses rapports avec un bookmaker.

 

En avril 2019, l'ARJEL s'émeut de la position défendue par les opérateurs et se fend d'une nouvelle délibération destinée à la battre en brèche. Encore une fois, le Bar des Sports avait à l'époque présenté à ses lecteurs la substantifique moelle de cette délibération :

Extraits de la délibération de l'ARJEL du 18 avril 2019

À ce jour, et à notre connaissance, la question ne paraît pas avoir été posée ni à la Cour de cassation, ni au Conseil d'Etat.

[...]

Il convient d'emblée de réfuter le propos qui consisterait à soutenir que la loi de 2010 et les textes règlementaires pris pour son application forment un droit spécial qui neutraliserait cet autre droit spécial que renferme le code de la consommation. La raison en est simple : ces deux droits spéciaux ne se contredisent pas. Se contrediraient-ils d'ailleurs que les règles nationales du code de la consommation qui transposent des directives européennes – c'est le cas de majeure partie de celles envisagées ici – prévaudraient sur celles du droit (purement français) des jeux.

[...]

L'autorité estime par ailleurs être fondée à saisir sa commission des sanctions en cas de manquement d'un opérateur agréé aux dispositions du code lorsqu'il en résulte par ailleurs une violation de celles de la loi du 12 mai 2010 et des textes pris pour son application.

Cette seconde délibération ne plaît pas davantage aux opérateurs que la première. Un certain nombre d'entre eux décident donc, à travers l'AFJEL (Association Française du Jeu En Ligne), de déposer un recours devant le Conseil d'État. L'objet de cette démarche ? Faire annuler pour excès de pouvoir la délibération du 18 avril 2019. Résultat de la démarche ? Un échec sur quasiment toute la ligne.

 

Dans une décision du 24 mars 2021, la plus haute juridiction administrative rejette en effet le recours de l'AFJEL et tranche en faveur de l'ANJ (qui avait pris le relais de l'ARJEL dans la défense de cette délibération). Comme le souligne le régulateur dans un communiqué publié ce 7 avril, la décision du Conseil d'État conforte les droits du joueur/consommateur sur trois points majeurs :

  • Un opérateur et un joueur peuvent être regardés comme un professionnel et un consommateur. Les contrats qui les unissent se trouvent donc soumis aux dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives et aux pratiques commerciales déloyales.
  • Le collège de l'ANJ peut poursuivre devant sa commission des sanctions tout opérateur qui méconnaît les dispositions législatives et règlementaires applicables à son activité, qu'elles figurent ou non dans un code, dès lors que, ce faisant, celui-ci méconnaît les objectifs de la politique de l'Etat en matière de jeux.
  • Enfin le régulateur peut, dans le cadre de sa mission de régulation, faire connaître l'interprétation qu'il retient de l'état de droit.

 

Pour les parieurs, le premier point est naturellement le plus important. Il confirme pleinement l'interprétation du régulateur rappelée dans la première partie de cet article, à savoir l'interdiction pour un opérateur de refuser ou de limiter la prise de pari d'un de ses clients au seul motif qu'il s'agit d'un joueur gagnant. Pour refuser ou limiter cette prise de pari en dehors des cas strictement établis par la loi (mineurs, interdits de jeu etc), l'opérateur ne peut jouer que deux cartes :

  • le motif légitime, qu'il s'agisse par exemple d'un soupçon de fraude ou de blanchiment d'argent, de sa propre exposition financière ou encore de la collecte d'indices sérieux laissant penser que le parieur souffre d'addiction.
  • la qualification de joueur professionnel, mais il revient alors à l'opérateur d'apporter la preuve que le client qui lui fait face tombe bien sous le coup de cette définition. Une manœuvre particulièrement complexe puisque le bookmaker devra entre autres démontrer que le joueur tire une partie substantielle de ses revenus de son activité de pari. Dans sa délibération de 2017, l'ARJEL citait ainsi l'exemple du "parieur déclarant sur un réseau social ou lors d'une interview qu'il tire ses revenus, en tout ou partie, de son activité de pari".
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Interdictions et limitations de paris : le Conseil d'État tranche en faveur de l'ANJ
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Il est interdit d'interdire... de parier ! C'est en substance ce qui ressort d'une décision du Conseil d'État en date du 24 mars, laquelle tranche en faveur de l'Autorité Nationale des Jeux (ANJ) un débat qui l'opposait à l'Association Française du Jeu En Ligne (AFJEL). Oui, les dispositions du code de la consommation s'appliquent bien aux rapports entre les parieurs et les opérateurs de jeux en ligne. Non, les bookmakers ne peuvent pas arbitrairement limiter la liberté de parier de leurs clients.

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Le 27/10/2021 à 19:09, jedi sise a écrit :

Le lien vers le site de l'anj ne fonctionne pas...

Exact.

Il fonctionne et on peut y accéder depuis le Telex dans la page des news, c'est là que je l'avais vu

http://fr.bar-sports.com/actu-sport/na,2021-10

 

Citation

Le régulateur en remet une couche dans une délibération en date du 21 octobre

 

Modifié par Holalahola

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Les news à la Une
jeudi 1 août 2024 à 7:40
Télex

Dans une décision publiée ce 31 juillet, l'ANJ se met à la page en basket 3x3 juste à temps pour les JO. Mais surtout, le régulateur réserve des sorts distincts à des demandes formulées par Winamax concernant le tennis : pour les ATP Challenger 125 et WTA 125, c'est non ; pour les ATP Challenger 175, c'est oui mais seulement à partir des demi-finales.

mercredi 24 juillet 2024 à 9:24
Télex

À l'occasion des JO de Paris 2024, les équipes de Winamax vous offrent l'opportunité de remporter des freebets via un système de points et de... plots. Un pari gagnant dans une discipline donnée est par exemple synonyme de 5 points pour une cote de 1,25 ; 15 points pour une cote de 2,50 ; et 30 points pour une cote de 5. Dix niveaux de 50 points sont à franchir et à chaque fois, vous récoltez des freebets à hauteur du double de votre mise de référence.

lundi 22 juillet 2024 à 9:06
Yes or No : l'ANJ délivre un agrément à un nouvel opérateur de paris sportifs

Dans une décision publiée ce 17 juillet, l'Autorité Nationale des Jeux (ANJ) délivre à la société La Différenciation Évidente un agrément lui permettant de proposer des paris sportifs en la forme mutuelle. Cette offre de paris sera accessible depuis la plateforme Yes or No. Son lancement est teasé par l'entreprise pour le mois de septembre.

mercredi 12 juin 2024 à 12:16
Télex

Plutôt sympa le bonus spécial de Winamax à l'occasion de l'Euro ! Jusqu'au 26 juin, tout dépôt d'au moins 15 € avec le code EUROBOOST donnera lieu à un crédit instantané de 25 % du montant sous la forme de freebets, et ce dans la limite de 25 €. Le petit plus ? Une cagnotte à se partager, plus ou moins généreuse en fonction du parcours de l'équipe de France.

jeudi 6 juin 2024 à 8:07
Télex

Dans une décision en date du 30 mai, l'ANJ accède aux requêtes de Betclic et Winamax visant à autoriser les paris sur trois compétitions : la Leagues Cup nord-américaine de football, les phases à élimination directe des tournois de repêchage de rugby à 7 aux Jeux Olympiques, et enfin les phases à élimination directe des tournois masculins et féminins de basket 3X3 aux JO.

jeudi 6 juin 2024 à 7:53
Télex

Relancée en 2020, l'activité de paris sportifs du Groupe Barrière a cessé le 31 mai dernier. Son partenaire technique, BetConstruct, vient toutefois d'obtenir auprès de l'ANJ l'autorisation de déployer son offre de paris sportifs sur un autre nom de domaine : CircusBet.fr. BetConstruct dispose pour rappel d'un second agrément pour proposer son offre de jeu à l'adresse PartoucheSport.fr.

jeudi 16 mai 2024 à 9:31
Les quatre recommandations du médiateur des jeux à l'attention des opérateurs

Clôture de compte, annulation de pari, erreur de cote : voici quelques-uns des dossiers sur lesquels le médiateur des jeux est appelé à se prononcer quotidiennement. Dans le cadre de son rapport d'activité annuel, il rappelle aujourd'hui un certain nombre de points législatifs ou réglementaires dont les acteurs du marché ont parfois tendance à s'affranchir.

vendredi 12 avril 2024 à 8:20
Télex

C'est une victoire à la Pyrrhus. Dans une décision datée du 9 avril, l'Autorité Nationale des Jeux approuve le volet "Bonus et gratifications financières" de la stratégie promotionnelle de Winamax pour 2024. Conformément à ses objectifs affichés en janvier, l'ANJ obtient néanmoins de l'opérateur une "réduction significative du budget alloué aux gratifications financières". Un coup dur pour les chasseurs de bonus et de freebets, d'autant que le programme VIP et ses miles restent eux aussi scrutés par le régulateur.

jeudi 11 avril 2024 à 9:07
Télex

Ne faites pas ça chez vous ! Entre juillet 2022 et 2023, un quadragénaire des Hauts-de-France s'est créé 974 comptes PMU en ayant recours à de faux documents d'identité. La manœuvre lui a permis de multiplier les bonus à l'inscription, avec à la clé un préjudice estimé à 270 000 € pour PMU. Une histoire à lire sur le site de RMC notamment.

lundi 8 avril 2024 à 13:14
Télex

Avec le Koh Lanta de Winamax, il n'est pas nécessaire de se nourrir de manioc ou de pêcher au harpon : seule votre capacité à enchaîner les paris gagnants fera la différence. Oubliez par ailleurs les difficultés liées aux types de paris éligibles : il n'y a plus que les cotes qui comptent pour collectionner les badges des deux premières phases et décrocher un max de freebets.

mercredi 13 mars 2024 à 13:30
Télex

Dans un questionnaire soumis à ses parieurs par email, Parions Sport leur propose d'"aider à choisir les prochains ambassadeurs" de la marque. L'enquête mentionne des noms qui figurent déjà parmi les partenaires du bookmaker, comme Smail Bouabdellah et Mary Patrux, mais aussi d'autres personnalités issues des mondes du sport ou de la télévision : Grégoire Margotton, Redouane Bougheraba, Omar Da Fonseca, Tony Parker et Ciryl Gane.

mardi 16 janvier 2024 à 9:42
Liste des supports de paris autorisés : la petite révolution de l'ANJ

Vous en avez l'habitude : plusieurs fois par an, l'Autorité Nationale des Jeux (ANJ) procède à quelques ajouts à la marge sur sa liste des supports de paris autorisés. En comparaison de ces petits amendements rituels, c'est à un grand chambardement que vous devez vous attendre le 1er mars prochain : le régulateur annonce une réforme en profondeur de cette liste.

mercredi 10 janvier 2024 à 9:56
Stratégies promotionnelles des opérateurs : l'ANJ serre la vis sur le sujet des gratifications financières

Après examen des stratégies promotionnelles des opérateurs de jeux d'argent et de hasard pour l'année 2024, l'Autorité Nationale des Jeux (ANJ) a assorti ses décisions d'approbation de "conditions exigeantes" en demandant notamment que "les gratifications financières destinées à recruter ou fidéliser les joueurs demeurent modérées". Le régulateur a même demandé à Winamax de revoir sa copie sur ce point.

jeudi 30 novembre 2023 à 9:21
Télex

Par une décision publiée ce 29 novembre, l'Autorité Nationale des Jeux ajoute deux compétitions à sa liste des supports de paris autorisés : le NBA In Season Tournament sur demande de la Française des Jeux, et le championnat de football de première division masculine d'Arabie Saoudite sur demande de Betclic. Si les paris sur les penaltys de CR7 vous manquaient, les affaires reprennent !