La règle fixée par la loi du 12 mai 2010 et le décret du 4 novembre 2020 est très claire : les opérateurs de paris sportifs en ligne ne sont pas autorisés à redistribuer plus de 85 % des mises qu'ils génèrent. Le calcul de ce TRJ est effectué sur une année civile, et il engendre régulièrement des ajustements de la part des bookmakers en fin d'exercice : tantôt avec des cotes moins attractives pour rentrer dans le rang, tantôt avec des super cotes boostées dont l'expiration au 1er janvier a mécaniquement pour effet de reporter à l'année suivante une partie du bilan.
Cette règle des 85 %, les joueurs ne la voient pas spécialement d'un bon œil. Pour des raisons que chacun comprend bien, une majorité de parieurs a tendance à se réjouir lorsque le TRJ s'envole au-delà de la limite fixée. Il s'agit parfois de la conséquence d'opérations promotionnelles trop généreuses, et parfois de la résultante de résultats sportifs défavorables aux bookmakers. Dans les deux cas, comment ne pas se satisfaire en tant que joueur d'une mécanique moins confiscatoire qu'attendu ?
Ce raisonnement, naturellement, n'est pas celui de l'ANJ. Le régulateur a même spécifiquement pour mission de veiller au respect de ce plafonnement du TRJ qui, aux yeux du législateur, "vise à répondre aux objectifs de valeur constitutionnelle de protection de la santé publique et de sauvegarde de l'ordre public" mais s'avère aussi dans un autre registre "nécessaire à la préservation de l'exploitation équilibrée des paris en ligne".
Oui mais voilà, après un exercice 2020 qui avait déjà vu plusieurs opérateurs dépasser la limite de 85 %, sept d'entre eux ont de nouveau outrepassé le plafond en 2021. Et d'après les premiers chiffres collectés par le régulateur, l'année 2022 ne fera pas exception à la tendance avec plusieurs nouveaux manquements constatés. Difficile tâche alors que celle de la commission des sanctions de l'ANJ : sanctionner les contrevenants, mais tout en se laissant du mou pour l'an prochain lorsqu'il s'agira en toute logique de taper plus durement.
Dans la plupart des cas présentés devant la commission des sanctions, le dépassement du plafond était relativement modéré et pouvait se justifier par des circonstances exceptionnelles, au premier rang desquelles un Euro 2021 globalement favorable aux parieurs. Quelques cas auraient néanmoins pu justifier une sanction plus sévère qu'un simple avertissement :
- Un cas de dépassement à hauteur de 2,5 points, soit un TRJ effectif de 87,5 %. L'opérateur concerné a néanmoins fait valoir que son activité n'avait débuté qu'en avril 2021, "ce qui rendait difficile la maîtrise du TRJ sur huit mois d'exploitation", mais aussi que l'augmentation de son TRJ était intervenue à la fin du troisième trimestre, "ce qui ne lui a pas laissé un délai suffisant pour le ramener en-deçà du plafond réglementaire avant la fin de l'année 2021".
- Un autre cas de dépassement, cette fois de l'ordre de 3,8 points pour un TRJ de 88,8 %. Là encore, il s'agissait d'un opérateur à la part de marché modeste et handicapé par les "gains très importants retirés par un petit nombre de joueurs très aguerris". Autre circonstance atténuante : "des mesures correctrices qui lui ont permis de ramener son TRJ de 88,55 % au premier trimestre 2022 à 82,39 % au troisième trimestre de cette année".
Comment néanmoins ne pas hausser le sourcil face à ce dernier cas de dépassement de 10,3 points, avec un TRJ effectif de 95,3 % ? Les membres de la commission des sanctions de l'ANJ, cette fois, n'ont pas manqué de souligner les largesses de cet opérateur : un TRJ supérieur au plafond dès le premier trimestre 2021, une politique de gratification qui "a très largement contribué au dépassement", des mesures correctrices totalement insuffisantes, ou encore un TRJ déjà supérieur de cinq points au plafond en 2020 et de nouveau en infraction au titre de l'année 2022.
Et pourtant, même face à un tel tableau, l'ANJ a choisi de faire preuve d'une clémence un brin désarçonnante en infligeant au contrevenant une amende de 2 000 euros seulement. Un choix auquel s'ajoute une stratégie d'ensemble de transparence minimale : aucun des noms des opérateurs concernés n'apparait ainsi dans les décisions. La commission des sanctions a en effet décidé "de ne pas assortir ces sanctions de mesures de publicité". Une manœuvre regrettable, même si elle peut s'expliquer en partie par la volonté de ne pas offrir une publicité favorable à ces opérateurs que l'on qualifiera de trop généreux malgré eux.
Sur le papier, le Taux de Retour Joueur (TRJ) fait partie des principaux outils établis par le législateur pour prévenir le jeu excessif ou pathologique, mais aussi lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Dans les faits, plusieurs opérateurs peinent pourtant à redistribuer aux joueurs moins de 85 % des mises qu'ils ont engagées auprès d'eux. Une situation face à laquelle l'ANJ hésite encore à sévir.
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